Lorsqu’une nouvelle maladie apparait, c’est le plus souvent à hôpital que l’on rencontre les cas les plus sérieux et la majorité des morts.
Les premières données ainsi collectées permettent d’enregistrer le nombre de patients admis, les traitements qui leur sont administrés, les patients qui guérissent et ceux qui meurent. Cela permet à l’hôpital de calculer le taux de mortalité. Dans une étude publiée dans le Lancet au sujet du nouveau coronavirus maintenant connu sous le nom de COVID-19, le taux de mortalité au sein de la première cohorte de Wuhan était de 11%1.
Il existe 2 raisons principales pour lesquelles cette donnée peut ne pas être fiable lorsqu’elle est projetée vers d’autres populations.
Taux de mortalité = nombre de morts / nombre de personnes infectées
Le nombre de mort est au numérateur. C’est une donnée concrète. Il est facile de connaitre le nombre de morts et relativement aisé d’évaluer le nombre de personnes diagnostiquées et admises à l’hôpital. Le nombre de mort est également une donnée décalée, de 10 à 12 jours dans les études chinoises, aussi le taux de mortalité est probablement sous-estimé car ne tient pas compte des personnes qui mourront plus tard.
Qu’en est-il du nombre total d’infections ? Il constitue le dénominateur. C’est une donnée plus difficile à évaluer. En effet, développer un test abordable, efficace pour diagnostiquer une nouvelle maladie, et disponible pour le plus grand nombre prend du temps. Il y a donc un biais inhérent à la population testée. L’étude de HKU suggère qu’il y a potentiellement plusieurs dizaines de milliers de personnes à Wuhan présentant des degrés divers de maladie2. Que se passe-t-il si seulement une petit nombre d’entre eux se rend effectivement a l’hôpital ? Alors, le taux de mortalité de l’hôpital surestime le taux de mortalité réel de la maladie.
Concernant la récente épidémie de coronavirus, connue sous le nom de COVID-19, l’étude publiée dans le Lancet affiche une mortalité à l’hôpital de 11%. Le taux de mortalité aujourd’hui dans la province de Hubei est de 3%. Le taux de mortalité en Chine si l’on exclue Hubei est le 0.3%. Le taux de mortalité mondial si l’on exclue la Chine est inferieur a 1%, bien que cet ensemble de données soit mince et en évolution. Une explication possible à ces différences est tout simplement qu’il s’agit de mauvaises données. Il existe cependant d’autres explications ; l’une d’elle est qu’il y a eu, à Wuhan, une forte épidémie de forme bénigne de la maladie et parce que ces personnes n’ont pas été diagnostiquées, le taux de mortalité actuel de 3% surestime significativement le taux de mortalité réel.
Les informations du bateau de croisière au Japon et des foyers d’infection en France et à Hong Kong nous donneront des informations très utiles. Le premier passager malade sur le bateau était en croisière du 20 au 25 janvier. Le développement des infections qui ont suivies suggère que cette maladie est relativement contagieuse. Tous les passagers ayant eu des symptômes ont été testés. De la même façon, toutes les personnes étant entrées en contact avec une personne infectée en France et à Hong Kong ont été testées. La maladie développée par ces personnes infectées ainsi que celles entrées en contact avec elles est grave. Dès lors, si un nombre significatif de passagers développe la maladie de façon peu grave, alors cela tendrait à montrer que cette maladie est plus contagieuse mais significativement moins grave que ce qui était imaginé au départ, pour les raisons expliquées plus haut.
Le second problème avec les projections faites à partir des données des premières cohortes est la présupposition que la maladie se comportera de la même manière dans les foyers d’infection suivants. L’une des raisons pour lesquelles le spécialiste du SIDA avait eu si tort dans les années 80 tient à la charge virale. Nous savons aujourd’hui que pendant l’épidémie de SIDA, les premiers foyers ont été infectés par une importante quantité de virus. Les hémophiles recevaient de grosses doses de virus lors des transfusions sanguines et la communauté homosexuelle était exposée de façon répétitive à des individus infectés. Cela explique pourquoi les personnes infectées mourraient très rapidement et c’est cette donnée qui avait été projetée pour l’avenir.
Il a fallu attendre un certain temps avant de comprendre que certains facteurs de la première population touchée n’étaient pas nécessairement retrouvés dans les foyers d’infection suivants. Dans les premiers foyers d’infection, la maladie était plus grave car les individus étaient infectés avec une quantité de virus plus importante. Nous savons également que pendant l’épidémie du SRAS, la gravité de la maladie et charge virale étaient liées et cela reste vrai pour de nombreuses autres maladies infectieuses. Dans l’une des premières études publiées dans le Lancet, 49% des personnes infectées par le COVID-19 avaient fréquenté le marché aux fruits de mer de Huanan. Il reste donc envisageable que la maladie ait été plus grave dans les premiers foyers d’infection du fait du mode de contamination.
Nous n’avons pas encore de preuve permettant d’affirmer que la charge virale a eu un impact sur l’infection au COVID-19. Le principe de base est de toujours rester prudent avec les projections du comportement d’une maladie sur les foyers d’infection suivants.
Apprécier la mortalité dans les premiers temps d’une épidémie est toujours difficile. En règle générale, le taux de mortalité annoncé dans les premiers temps d’une épidémie tend à surestimer la mortalité finalement observée plus tard et il est fréquent que la maladie apparaisse finalement moins grave qu’au début.
De plus, même s’il est possible que les virus mutent et deviennent plus contagieux ou plus dangereux, statistiquement, il est plus probable que les infections par le COVID-19 deviennent moins graves avec le temps.
Comme toujours, meilleures sont les données, meilleures sont les chances de prendre les bonnes décisions ; or avec la nature de l’épidémie actuelle (dont le temps de doublement est de 6.4 jours), les 2 semaines qui arrivent nous fourniront de meilleures données.
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