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Les dernières nouvelles du COVID-19 : la maladie   

Article rédigé par le Dr Owens le 21 Février 2020

Mis à jour le 2 avril 2020   

Avec l’arrivée continuelle de nouvelles données, l’information évolue de jour en jour. Aussi, je continue à mettre à jour les informations sur les 2 sujets suivants:  

La maladie : Qu’arrivera-t-il à ma famille ou à moi-même si nous attrapons ce virus ?  

L’épidémie : Quel est le risque que j’attrape ce virus et ce risque évolue-t-il ?  

La maladie  

Le directeur général de l’OMS a souligné l’importance des stratégies de confinement (endiguement) en cours, et en particulier le dépistage, et a exhorté « tous les pays à adopter une approche globale adaptée à leur situation, avec le confinement comme axe principal ». Il a recommandé de tester, tester, tester, et a encouragé tous les pays à apprendre des expériences de Hong-Kong, de la Chine, de Singapour, de Taiwan, de Corée, qui ont tous, à des degrés divers, réussi à contenir l’épidémie, avec, comme stratégie centrale, l’identification des cas, la recherche des contacts et la mise en quarantaine (cf les courbes épidémiques qui sont mises à jour régulièrement).

Cette maladie se répand maintenant plus largement et plus rapidement. J’ai expliqué dans un article précédent, l’intérêt de retarder la propagation de l’épidémie. L’Europe concentre désormais plus de 50% des cas et plus de 70% des morts.

Une analyse des 44 000 premiers cas d’infection a montré que 80% des malades ont développé une forme bénigne, 14% une forme grave et 5% une forme très grave Une récente publication dans le Lancet a décrit le pronostic de patients dans un état grave ; l’âge moyen de cette cohorte était de 60 ans et 67% des patients étaient des hommes. Les auteurs ont conclu que « la gravité de la pneumonie causée par le virus SARS-CoV-2 met une forte pression sur les services de soins intensifs hospitaliers, en particulier s’ils n’ont pas le personnel ou le matériel adapté ».(1) Ce message a été renforcé par une autre étude parue dans le Lancet, au sujet de l’expérience italienne (2). L’âge moyen en Italie était de 81 ans, variant de 83.4 ans pour les femmes à 79.9 ans pour les hommes, avec un ratio homme-femme de 4 pour 1. Les 2/3 des individus qui ont succombé présentaient également d’autres maladies ou étaient fumeurs, et 9 à 11% des patients admis à l’hôpital ont eu besoin de soins intensifs. Nous avons également rédigé un article sur que faire si je pense être malade du COVID-19 ?

Le Dr Judith Mackay, médecin respectée de santé publique, suggérait, en réponse à notre article initial, que la différence d’impact de la maladie entre les hommes et les femmes en Chine pourrait être liée au tabagisme. Elle a, en effet, souligné que 50% des hommes en Chine sont fumeurs contre 3% des femmes seulement. Les premières prédictions du Dr Mackay ont été confirmées par des recherches ultérieures. L’OMS a émis les conseils suivants à propos du tabagisme :

  • Les fumeurs ont plus de risque d’attraper le COVID-19 car le fait de fumer implique que les doigts (et éventuellement les cigarettes contaminées) entrent en contact avec les lèvres, ce qui augmente la possibilité de transmission du virus de la main à la bouche. Les fumeurs sont également susceptibles de présenter une maladie pulmonaire ou une capacité pulmonaire réduite, ce qui augmenterait considérablement le risque de développer une forme grave de la maladie.
  • Les produits à fumer tels que les pipes à eau impliquent souvent un partage de l’appareil ce qui peut faciliter la transmission du COVID-19 au sein des communautés qui les utilisent.

La réponse apportée par la santé publique devrait inclure la promotion d’un mode vie sain, notamment la pratique d’un sport, un régime équilibré, et l’arrêt du tabac ; s’il devait y avoir un moment pour arrêter de fumer, c’est bien maintenant !

La mortalité en Chine est actuellement de 4.1%. Dans le reste du monde si l’on exclue la Chine, ce taux est de 5.1% (44 176/872 276). Ces chiffres sont très probablement exagérés puisque de nombreuses personnes développent une forme bégnine de la maladie et ne sont donc pas dépistées. Il est difficile d’évaluer la mortalité d’une maladie au sein de foyers d’infection mixtes. A titre d’exemple, prenons l’Italie, la Corée et l’Allemagne. Le taux de mortalité actuel en Italie est de 11%. Bien que les systèmes de santé publique puissent être mis en cause, notamment la surcharge des services de soins intensifs, il semble plutôt que ces chiffres élevés s’expliquent par un grand nombre de cas non diagnostiqués au sein de pays n’ayant qu’une capacité de test limitée ou ayant délibérément choisi de ne pas réaliser de dépistage à grande échelle. Le nombre de cas en Corée ne représente que 15% du nombre de cas en Italie, mais les Coréens ont testé 1.5 fois plus d’individus, et le taux de mortalité coréen est de 1.7%. Le taux de mortalité en Allemagne est de 1.1%.

Actuellement, le principe du dépistage est un test PCR qui détecte la présence du virus. De nombreux tests sanguins, basés sur la recherche d’anticorps sont maintenant utilisés, et nous aurons plus d’informations sur la précision de ces tests dans les semaines à venir. Il est trop tôt pour savoir quelle sera finalement la gravité de cette maladie, mais pour les raisons décrites précédemment dans cet article, on sait que les taux de mortalité initiaux, basés sur les données précoces des épidémies, sont fréquemment revus à la baisse avec le temps.

Imaginez une nouvelle maladie pour laquelle 100 personnes se rendent à l’hôpital et dont 10 d’entre elles meurent ; cela donne un taux de mortalité de 10%. Imaginez maintenant que l’on dispose d’un test montrant que, seul 1 patient sur 100 développant la maladie dans la communauté, devient suffisamment malade pour se rendre à l’hôpital, les 99 autres restant au lit, chez eux, ou continuant même à travailler avec un mal de gorge ou une toux modérée. Dans ce cas, il y a alors 10 000 personnes malades, dont 100 se rendent à l’hôpital et 10 meurent. Le taux de mortalité réel de la maladie est alors de 0.1%. C’est le taux de mortalité de la grippe. Il est trop tôt pour savoir quel sera le taux de mortalité final du COVID-19. Une récente étude parue dans le Lancet estime le taux de mortalité dans les premières cohortes en Chine à 1.38%. En incluant les cas légers et asymptomatiques estimés, cette étude estime le taux de mortalité à 0.66%. (3)

Le taux final pourra être plus élevé ou plus faible, en fonction du nombre de formes bégnines développées. Ce taux sera probablement plus élevé si les systèmes de santé finissent pas être dépassés. Cela augmenterait la mortalité liée au COVID-19 mais également celle liée aux autres problèmes médicaux urgents. Cependant, la propagation rapide de cette maladie suggère qu’elle a toute les chances d’être finalement moins grave que l’on ne l’imaginait, à condition que les mesures de santé publique parviennent à soulager les systèmes de santé, de façon à ce qu’ils puissent continuer à fonctionner efficacement. Cela explique les récents changements de réglementation de santé publique.

Deux grandes études épidémiologiques ont fait parler d’elles. L’étude de l’Imperial College London suggère que l’absence de mesures de santé publique forte, visant à éradiquer l’épidémie, pourrait s’accompagner d’une accélération de la flambée épidémique, avec un taux de mortalité potentiellement élevé. (4) Cette étude serait à l’origine du changement de stratégie du Royaume Uni et des Etats-Unis. Une plus récente étude, d’Oxford, prédit quant à elle, une maladie moins grave mais plus largement répandue, ce qui suggère que l’immunité collective serait atteinte plus rapidement. (5) L’incidence des formes bénignes et asymptomatiques est l’élément clef qui nous manque aujourd’hui, pour nous aider à déterminer lequel de ces 2 modèles est le plus proche de la réalité.

Les passagers du bateau de croisière Diamond Princess constituent un foyer d’infection dont l’étude en termes d’épidémie est intéressante. Il a d’ailleurs fait l’objet d’un article scientifique de CDC (5). Cependant, il est important de conserver à l’esprit que ce foyer d’infection n’est pas nécessairement représentatif d’autres situations. En effet, les passagers des croisières sont souvent plus âgés et ont donc un risque plus élevé de présenter d’autres maladies. Il existe également des facteurs liés à la qualité de l’air, aux installations sanitaires et aux espaces de restauration. Le taux de mortalité de ce foyer d’infection est actuellement de 1.5% (11/712). Ces passagers étaient, a priori, plutôt âgés, présentaient probablement des maladies par ailleurs, et sont restés dans un espace confiné en présence d’un nombre important de personnes infectées donc exposés à une charge virale potentiellement forte. Pour toutes ces raisons, je pense que le taux de mortalité au sein de ce foyer d’infection est plus important que ne serait celui d’une population moyenne en « condition normale » d’exposition. Notons que 46.5% des patients testés positifs n’avaient aucun symptôme au moment du dépistage, et que 17.9% n’ont jamais développé de symptômes.

Les taux de mortalité les plus élevés sont retrouvés chez les personnes de plus de 80 ans, ce qui est vrai pour toute infection. Le taux de mortalité des personnes de moins de 40 ans est de 0.2%, la plupart des décès survenant chez des patients présentant déjà d’autres maladies. La mortalité élevée  chez les professionnels de santé (qui est une constante dans toutes les épidémies), semble être liée à la charge virale. Les soignants sont, en effet, en contact avec les personnes les plus malades. Or nous savons que, dans de nombreuses infections, il existe un lien entre la quantité de virus à laquelle un individu est exposé, et la gravité de la maladie qu’il développe.  Un récent rapport de l’OMS suggère que, depuis fin janvier, alors que la propagation du virus est mieux comprise, l’incidence de la maladie chez les professionnels de santé a significativement baissé en Chine. (6)

Les foyers d’infection internationaux donneront des informations très utiles quant à la gravité et de la contagiosité du COVID-19. Les courbes épidémiques des foyers internationaux sont régulièrement mises à jour par le CHP. L’Italie a mis en place une mesure de distanciation sociale forte le 9 mars puis le 11 mars 2020. L’étude des courbes épidémiques en Italie, en France et en Espagne, sur les 2 semaines qui arrivent, nous permettra d’évaluer l’impact des mesures de santé publique prises en Europe et de comparer avec les mesures plus strictes prises à Hong Kong, en Chine et à Singapour. Le Lancet a publié un modèle épidémiologique montrant que la mise en place de mesures de santé publique a un effet réel et rapide, comparativement à une non-intervention (7) ; d’après cette étude, les premiers signes apparaissent dans les 3 à 4 jours suivants la mise en place des mesures. C’est évidemment une information importante si l’on s’aperçoit que cet effet perdure.

Une récente et importante étude portant sur 9 femmes enceintes suggère que les femmes en fin de grossesse ont déclaré une maladie de gravité comparable aux autres femmes (8). L’infection n’a pas été transmise à leur bébé. Des études ultérieures semblent montrer qu’il n’existe pas de risque accru pendant la grossesse et que le COVID-19 n’a aucun impact sur le développement fœtal. Une étude plus approfondie sera cependant nécessaire.

Il y a actuellement 766 cas à Hong Kong. La majorité des cas récents provient de 3 sources : des personnes revenant d’Europe et des US, des personnes en quarantaine ou des personnes entrées en contact direct avec un cas confirmé connu. Des cas contaminations au sein de la communauté existent mais ils restent rares.

Il semble de plus en plus probable que la transmission se fasse via des cas plus bénins. C’est dans les premiers jours d’apparition des symptômes que les individus seraient le plus contagieux. Le rôle joué par les individus asymptomatiques ou par ceux n’ayant pas encore développé de symptômes n’est pas encore vraiment compris. La transmission par des cas bénins rend les stratégies de confinement plus compliquées mais suggèrent également que cette maladie est finalement moins grave au cas par cas.

Il ne fait aucun doute que cette maladie est importante et que certains malades développeront des complications graves. En effet, l’une des caractéristiques de cette maladie est l’aggravation de l’état de certains patients, qui développent alors des problèmes respiratoires sévères. Par ailleurs, une maladie, même si sa mortalité est faible, peut malgré tout avoir un impact important si elle se propage à grande échelle. Elle peut mettre une forte pression sur les systèmes de santé ; c’est ce qui explique les mesures de santé publique qui ont été prises.  

Comme j’ai eu l’occasion de l’expliquer précédemment, les questions concernant la maladie se rapportent à la question « que se passera-t-il s’il nous arrive quelque chose, à ma famille ou à moi-même ? ». Pour appréhender le risque qu’il vous arrive quelque chose, il faut remplacer cette question par la suivante : « Quel est le risque que j’attrape le COVID-19 ? »   

Or, les informations sont indispensables pour répondre à cette question. Lorsque nous évoluons dans un environnement qui présente des incertitudes, il est important de pouvoir comparer le risque ; et pour évaluer ce risque, il faut comprendre l’épidémie.   

Vous trouverez ici des explications au sujet des épidémies.

Références

1. Yang, X., Yu, Y., Xu, J., Shu, P. H., & Xia, P. J. (2020, February 24). Clinical course and outcomes of critically ill patients with SARS-CoV-2 pneumonia in Wuhan, China: a single-centered, retrospective, observational study. Retrieved February 26, 2020, from https://www.thelancet.com/journals/lanres/article/PIIS2213-2600(20)30079-5/fulltext

2. Remuzzi, P. A., & Remuzzi, P. G. (2020, March 13). COVID-19 and Italy: what next? - The Lancet. Retrieved from https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(20)30627-9/fulltext

3. Vierty, R., Okell, L. C., Dorigatti, I., Winskill, P., Whittaker, C., & Imai, N. (2020, March 30). Estimates of the severity of coronavirus disease 2019: a model-based analysis. Retrieved from https://www.thelancet.com/journals/laninf/article/PIIS1473-3099(20)30243-7/fulltext

4. Imperial College COVID-19 Response Team. (2020, March 16). Impact of non-pharmaceutical interventions (NPIs) to reduce COVID19 mortality and healthcare demand. Retrieved from https://www.imperial.ac.uk/media/imperial-college/medicine/sph/ide/gida-fellowships/Imperial-College-COVID19-NPI-modelling-16-03-2020.pdf

5. Fundamental principles of epidemic spread highlight the immediate need for large-scale serological surveys to assess the stage of the SARS-CoV-2 epidemic. (n.d.). Retrieved from https://www.dropbox.com/s/oxmu2rwsnhi9j9c/Draft-COVID-19-Model (13).pdf?dl=0

6. Public Health Responses to COVID-19 Outbreaks on Cruise Ships - Worldwide, February–March 2020. (2020, March 23). Retrieved from https://www.cdc.gov/mmwr/volumes/69/wr/mm6912e3.htm

7. Chen, H., Guo, J., Wang, C., Luo, F., Yu, X., & Zhang, P. W. (2020, January 12). Clinical characteristics and intrauterine vertical transmission potential of COVID-19 infection in nine pregnant women: a retrospective review of medical records. Retrieved from https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(20)30360-3/fulltext

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